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Couture et entrepreneuriat : le cocktail SLOW

Dernière mise à jour : 20 janv. 2020

Et un jour, on se dit que nous aussi, on peut être en accord avec nos valeurs...


J’ai débuté la couture pour accueillir mon 1er enfant. J’avais envie de faire quelque chose de mes mains, une façon de mettre encore un peu plus de moi, de préparer son arrivée. J’ai commencé par acheter une machine d’occasion qui s’est révélée être en assez mauvais état, mais j’ai réussi à finaliser mes premiers projets : un tapis à langer et des lingettes de change.

J’y ai pris goût, j’ai appris seule, parce qu’à l’époque il y avait très peu de tutos sur internet, seulement quelques blogs et forums. De fil en aiguille, de projet en projet, on se trompe, on coud-on découd, on recommence…on apprend !


Bien des années plus tard, j’ai passé la plupart de mon dimanche à coudre. Le soir, ma fille qui avait alors 7 ans, m’a posé la main sur le bras :

« Tu vois Maman, si tu faisais tous les jours de la couture comme aujourd’hui, tu serais tout le temps contente comme ce soir »

J’ai souri et j’ai expliqué que ce n’était pas si simple, que dans la vie on ne faisait pas toujours ce que l’on voulait, qu’il fallait bien aller au travail... Et en m’entendant parler, ça me tordait les tripes. Ce n’était pas du tout ce que j’avais envie de transmettre à ma fille.

Sa petite phrase était tellement simple.



J’étais en arrêt de travail depuis 3 semaines… Cela faisait des années, que je me pliais à un travail vide de sens et en dépit du bon sens. Je me contorsionnais pour rentrer dans un moule « corporate », j’avais le sentiment d’être un vulgaire numéro, pressée comme un citron à toujours faire plus avec moins. Tableaux de bord dans tous les sens, rentabilité, productivité, la tête dans les chiffres du matin au soir.

Sommée d’accorder plus d’attention à la forme plutôt qu’au fond, victime de réunionites aiguës et abusives, je me consumais à petit feu. Je me perdais dans le monde de la performance, les injonctions à faire plus, plus, plus... 11 ans à piétiner mes valeurs.

Mon mental ne voulant rien entendre, c’est mon corps un matin qui a dit STOP !

Il n’a juste plus voulu.

Burn Out.


Je n’ai pas compris comment cela pouvait m’arriver à moi. Je me pensais forte, combative, déterminée, impliquée. Il m’a fallu un peu de temps pour refaire surface et affronter ce qui me tombait dessus, regarder les choses en face.

Alors la petite phrase de ma fille a germé gentiment.

Quelques semaines après, je me suis dit « Et pourquoi pas ?! Et pourquoi pas moi ?! »

Pourquoi n’aurais-je pas le droit d’être heureuse de me lever le matin pour aller bosser ?

Pourquoi faudrait-il que je me tue à faire ce boulot insensé pour des gens qui ne pensent qu’à leur propre avancement, sans aucune considération ?! Pourquoi ma nounou voit mes enfants grandir et pas moi ?!?!

Mon Homme, mon partenaire de vie, m’a épaulé. Il m’a demandé de bien y réfléchir mais que si j’avais envie de faire l’expérience, il suivait à 100%.



Une fois la décision prise, il m’a fallu 8 mois pour quitter le salariat. Mes demandes de financement ayant refusées par deux fois – avec un joli petit ricanement au passage – je me suis formée seule et j’ai obtenu mon CAP Couture encore 8 mois après. Le trimestre d’après, j’intégrais une Coopérative d’Activités pour tester mon activité, à la suite de quoi je me suis installée en micro-entreprise.


Aujourd’hui je suis « Mompreneure » : je jongle entre ma vie d’entrepreneure et mon emploi du temps de Maman. Ce n’est pas de tout repos, mais mes journées ont du sens.

Faire de la couture mon nouveau métier, c’était ma façon de revenir à la matière et aux vraies relations avec les gens, après plus de 16 ans de virtuel dans le digital.


Coudre, c’est ralentir le temps, se reconnecter avec la réalité des choses, prendre conscience de leur valeur. Combien de temps faut-il pour coudre cette jupe, ce sac ? 

Choisir le modèle, accorder les matières, sélectionner la mercerie. Laver, repasser, patronner, couper, épingler, bâtir, assembler, réaliser les finitions.

On ne peut s’empêcher de songer que 8€ dans les bacs des grandes surfaces... c’est peu. Quel soin y a-t-on porté ? Dans quelles conditions est-ce que ces produits ont été fabriqués? Quelle durabilité ont-ils et où finiront-ils ? Il y a toujours un prix à payer. Et pas uniquement celui qui se trouve sur l’étiquette.


Je fais de mon mieux pour travailler le plus de matières d’origine naturelle, souvent du bio (malheureusement pas uniquement), j’exploite mes chutes de tissus au maximum, et quand l’occasion se présente, je fais de l’upcycling en ré-utilisant du textile déjà en circuit.

Je suis loin d’être parfaite, mais je fais de mon mieux, en connaissance et en conscience.

Il m’arrive par exemple de craquer pour une matière synthétique parce qu’en termes de douceur et de facilité d’entretien… et bien je n’ai pas d’équivalent !

Je limite les emballages (en papier kraft recyclable) au plus juste et sur les marchés, je demande toujours aux clients s’ils ont besoin/envie d’un sac en papier.



Coudre n’a fait que me pousser encore plus loin sur le chemin du Slow : ma salle de bains, ma cuisine, ma consommation en général. Et surtout avec moi-même. Un « slow-self » en quelques sortes ! Entreprendre est une aventure incroyable, une expérience de développement personnel que je ne soupçonnais pas. Il a fallu que je me recentre. Je me suis mise au yoga et j’ai réalisé que je vivais en apnée, déconnectée de mon corps, de mes sensations.

Ralentir, s’ancrer.

En touchant les tissus, je rêve, j’imagine des possibilités.

Penchée sur ma table de coupe ou sur ma machine, je suis dans la matière. Je lui crée une forme, je lui donne un usage.

Je vis l’instant présent.


Et la cerise sur le gâteau, c’est de partager tout ça quand j’anime des ateliers couture. Comme par hasard, beaucoup de débutants viennent vers moi. Ils ne sont pas sûrs d’y arriver, ils doutent de leur capacité. J’adore les accompagner, j’aimerais immortaliser leurs regards fiers quand ils ont terminé leur projet. Ça pétille dans leurs yeux : « C’est moi qui l’ai fait !! ».

C’est concret, c’est dans leurs mains, la preuve matérielle qu’ils sont capables de créer du beau eux aussi. 

Et ça, ça vaut tout l’or du monde…





Aurore fait marcher ses petites aiguilles au gré de ses envies et coups de coeur. Sa marque, Naïseo, propose aussi des ateliers de couture à domicile.

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